Mon père m’aurait dit:
“cliché !
Jette cette carte, c’est un cliché visuel !”.
Et pourtant , ce cliché me touche…
Elles sont un peu caricaturales, c’est vrai, mes trois petites vielles, de vraies anglaises, sans états d’âme, pétries de respectabilité, et cependant, avec la petite pointe de fantaisie si propre à ce peuple .
La canne et l’aigrette sur le bonnet !
Elles restent élégantes, avec leurs manteaux couture et leurs perles autour du cou, leurs breloques aux oreilles, leurs broches, leurs chapeaux et leur mise en plis .
Pratiques aussi, avec leur serviettes sur les genoux, leur thermos de thé, leur sac de muffins et leur sucrier posé au sol .
De vrais sacs de Mary Poppins !
Indifférentes aux regards des passants, c’est pour elles seules qu’elles se sont ainsi apprêtées.
Pour le plaisir de ces retrouvailles .
Ces “tea time “, elles les préparent en fait depuis des années !
Depuis leurs années de jeunesse complice, d’étudiantes dissipées -juste ce qu’il faut- , de mère comblées, de jeunes femmes actives .
A chaque fois, elles se rencontraient dans un rire, pressées, pour se confier l’essentiel .
Pas vraiment le temps du thermos, juste une confidence rapide, une vibration partagée, un doute échangé…
En se quittant, déjà éloignées du banc, elles se lançaient un dernier regard en se jetant ” On tricote des souvenirs pour plus tard, sur notre banc “!
Et elles disparaissaient dans un dernier rire heureux , le rire plein de la vitalité de la jeunesse !
Aujourd’hui, elles détricotent leurs souvenirs, en souriant de leurs insolences.
Attendries, derrière leurs lunettes.
Leur amitié a survécu aux brouilles, aux petites jalousies, aux déceptions, aux décalages .
Elles forment, toutes trois, une merveilleuse bulle de chaleur, qui les préserve de la mélancolie de la vieillesse.
Sur le banc de leur grand âge , elles sont un roc de tendresse heureuse !